Veuve et libre1/5

Publié le par Sélène Alys




Ils étaient encerclés. Tous les deux. Les gardes du seigneur les encadraient de toute parts, en rang si serrés que leur échapper semblait impossible.


Cette fois-ci, ils ne s’en sortiraient pas.


Après des mois et des mois de cambriolages de grande envergure, Clélia et Iul étaient sur le point de se faire attraper.


Elle balayait la foule du regard, à la recherche d’une échappatoire ; elle savait qu’Iul faisait de même, derrière elle. Dos à dos, épée en main, ils
arboraient la même position défensive. Le sang qui s’écoulait à profusion de leurs nombreuses blessures maculait leurs tenues de taches rubis. Dans l’obscurité de la nuit, elles se détachaient en
une lueur hypnotisante.


Ils étaient à bout de souffle. Prendre la décision de mettre à sac la demeure du plus riche allié du seigneur n’avait pas été une si bonne idée, finalement.
Pourtant, Clélia aurait voulu faire plus, bien plus que le voler.


Elle aurait voulu le tuer.


Elle ne l’avait pas fait. Quelque chose la retenait encore… elle n’osait pas penser qu’il pourrait s’agir de sentiments, ces émotions étranges et encombrantes.
Pour elle, seule la haine régnait dans son cœur. En tout cas en ce qui concernait l’abjecte Aidrian.


 Lequel osait s’avancer devant elle. Un sourire suffisant éclairant son visage, le petit seigneur observa l’un après l’autre les deux voleurs
acculés. Clélia mourrait d’envie de faire disparaitre cette expression de ce visage immonde.


Il balaya la scène d’un simple coup d’œil, et n’eut pour conclusion qu’une parole :


-Tuez-les.


Les arcs se bandèrent. A cette distance, ni elle ni Iul ne pourraient éviter les flèches. Elle sentit le dos de son compagnon se coller au sien, une sensation
familière, rassurante... tout du moins d’habitude. En d’autres lieux, en d’autres instants. Comme elle, il maintenait toujours son épée levée, futile défense face à ses traits qui s’apprêtaient à
les transpercer.


Elle reporta son attention sur Aidrian. Elle ne quitterait pas ce monde sans avoir pris sa vie d’abord.


Elle abaissa son épée. D’une oreille distraite, elle entendit la douce voix d’Iul murmurer dans son dos de ne pas bouger, de ne pas faire ça. L’ordre donné par
Aidrian n’allait pas être mis  exécution sur le champ. Elle était bien placée pour savoir qu’il ne l’avait donné que pour qu’ils s’avilissent devant lui, pour qu’ils le
supplient d’épargner leur vie.


Clélia ne le ferait pas. Jamais. A quoi bon implorer quand tout ce que cet homme pouvait leur offrir était la souffrance ?


La garde de son épée ricocha bruyamment sur le sol pavé lorsqu’elle la lâcha. Le sourire d’Aidrian s’élargit encore plus tant il était persuadé d’être sur
le point d’assister à une humiliation digne de ce nom. Dans son esprit, deux voleurs ne pouvaient pas posséder le moindre honneur.


Alors qu’Iul en recélait dix fois plus que lui.


-Ne tirez pas, demanda-t-elle.


Elle se haït pour sa voix tremblante. Après tout ce temps, ne pouvait-elle pas montrer un visage plus fier à l’homme qu’elle haïssait de tout son cœur, de
toute son âme ?


Lentement, pour ne pas provoquer un tir indésirable, elle leva la main vers le foulard qui masquait le bas de son visage. Dans la nuit, cela avait toujours
suffit. La preuve en était qu’Aidrian ne s’attendait pas à ce qu’il allait découvrir.


Ce que son changement d’expression prouva dès l’instant où elle dévoila son visage.


L’expression d’Aidrian se figea un instant dans sa stupeur, avant de se contracter dans sa colère :


-Saisissez-la !


L’ordre avait claqué comme un fouet dans la nuit, aussi dur et froide que la fureur qui animait désormais Aidrian.


Elle saisit le poignard accroché à sa taille et la porta à sa gorge :


-Si vous me touchez, je me tranche la gorge, déclara-t-elle d’une voix dénuée d’expression.


Elle n’hésiterait pas à le faire. Aidrian dû le sentir, car il leva la main pour intimer l’ordre à ses hommes de ne pas bouger.


Elle sentit Iul se contracter dans son dos. Elle avait beau l’avoir prévenu qu’elle n’hésiterait pas à en arriver là si nécessaire, il ne s’était pas encore
fait à cette idée. Il ne faisait pas partie de ces hommes qui refusaient que leurs compagnes prennent des risques… mais ne pouvait rester de marbre lorsqu’elle le faisait réellement.


Pour eux, le fossé entre les paroles et l’action s’était envolé depuis longtemps.


-Que veux-tu ? demanda Aidrian avec froideur.


-Je veux que tu laisses mon compagnon s’en aller.


Un petit son étranglé derrière elle. Le dos d’Iul s’appuya un peu plus contre le sien. Il détestait cela. Et pourtant, désormais, il n’avait pas le choix. Il
ne pouvait faire autrement que la laisser agir et tenter de sauver au moins une de leurs vies.


-Pourquoi le ferais-je ? Cet homme est responsable d’un nombre incalculable de crimes. Mon seigneur sera plus que ravie de me voir déposer sa dépouille à
ses portes.


« Cet homme ». Bien sûr, Aidrian ne pouvait pas imaginer qu’elle puisse avoir pris une part active dans tout ça. Et pourtant…


-Si tu ne le fais pas, tu auras la mort de ta propre femme sur la conscience.








Publié dans Nouvelles : autres

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C
J'ai vu ça ^^
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S
Va savoir, je les aimes ces prénoms en "an" ^^
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C
Une première partie pleine de mystères, j'ai envie de savoir comment on en est arrivé là ^^ Aidrian, encore un prénom masculin qui termine en "an"
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